« L’architecture est une architecture d’auteur » : Metallover s’entretient avec l’architecte genevois Philippe Meyer

Nos ateliers collaborent depuis plusieurs années avec Philippe Meyer, architecte et théoricien de l’architecture, éditeur, essayiste et designer. C’est inhabituel : pour lui, la capture de l’idée passe par l’écriture, puis le dessin. C’est un privilège que de l’interroger au-delà du projet, sur son appréciation de quelques substrats de l’architecture.

Metallover. Comment définissez-vous l’architecture ?
Philippe Meyer. L’architecture n’est pas une affaire de style. Reflet de son temps, elle ne peut être que contemporaine. La principale question qui demeure est celle de rompre avec la dichotomie architecture et urbanisme. Retrouver le lien indicible entre territoire et contexte, ne pas opposer rupture et continuité.
Échapper à un courant issu du monde de l’image qui, progressivement, fait davantage place au design qu’à l’architecture. Il est très difficile de définir une architecture ou son architecture. On peut définir un mode de faire, une approche. La nécessaire conjugaison d’un lieu et d’un thème.
La relation de cette conjugaison trouve inéluctablement sa traduction dans la matière et sa mise en forme, dans le détail et son expression.
La culture, la curiosité, l’apprentissage, ajoutés au fil du temps, s’inscrivent paradoxalement plus dans une notion de vitesse que de durée. L’impatience augmente avec la connaissance.

D’où vient la sagesse qui permit pendant tant de siècles d’implanter harmonieusement les villages ?
La sensibilité aux éléments environnants, cruciale, a amené les sociétés traditionnelles à la logique et à l’intelligence architecturale fonctionnelle.
Si l’architecture est par définition contemporaine, comme toutes le furent,
elle est aussi l’héritière atavique de savoirs antérieurs qui constituent son socle.

Y a-t-il une recette de la beauté ?
C’est un thème difficile ; la beauté est consubstantielle de l’architecture où il est question d’un travail plastique nécessairement lié à l’harmonie, à l’équilibre, au jeu de proportions ; mais sa véritable beauté se mesure dans son intemporalité.

Dans votre collaboration avec les corps d’état, les mettez-vous au défi ou êtes-vous techniquement consensuel ?
Je cherche à réaliser ce que je conçois et lorsqu’un artisan me répond que ce sera très difficile, je considère que c’est donc possible.
Nous élaborons souvent des projets complexes pour lesquels je demande une fabrication simple, évidente ; je fais confiance aux valeurs et au savoir-faire, mais aussi à l’ingéniosité et au plaisir de développer ensemble.
Il en est de même avec les clients, chez qui je scrute la richesse culturelle, la marque de l’histoire et l’idéal spatial. Je me souviens d’un projet parisien pour la Confédération helvétique, où j’ai appris presque par hasard que l’espace où je devais intervenir recelait onze meubles de Diégo Giacometti. De là, j’ai entièrement revu ma vision pour enrichir le lieu de leur dimension patrimoniale et de leur sacralité, en projetant un mobilier à leur service.

Vous dessinez donc du mobilier. De quoi partez-vous ?
Nous essayons toujours de produire une architecture répondant à un acte culturel, indifféremment de la dimension de l’objet, meuble ou immeuble. Je conçois l’un et l’autre sans faire de différence, la question de l’échelle est secondaire, car elle ne limite pas ma réflexion thématique.
Dans les projets de rénovation, le mobilier se potentialise parfois en élément de continuité du travail d’architecture. Nous le développons alors pour constituer un tout. Lorsqu’il s’agit d’un projet neuf, les meubles sont dessinés en fonction de l’atmosphère et de la matérialité recherchées, mais également de la fonction et du confort attendu. Un meuble doit toujours répondre à sa fonction, car sans cela, il n’est qu’objet.