Si la réalité restera toujours le grand arbitre de l’aventure humaine, l’accélération du monde en modifie la perception et donne le sentiment d’assister impuissant aux événements qui se succèdent.
On ne pourrait citer meilleur apophtegme que celui de Paul Virilio : « Notre monde est à la fois catastrophique, apocalyptique et merveilleux, il est les deux à la fois. Tout va plus vite, tout est enrichissant et tout est plus dramatique. »
Dans sa critique de la tyrannie de la vitesse, le théoricien de l’architecture prophétisait la terrible influence du virtuel et de l’immédiateté sur nos sociétés et notre rapport à autrui. « Gagner du temps, c’est perdre le monde », dira-t-il.
La crise du Covid-19 et l’actuel conflit russo-ukrainien se sont succédé à une telle vitesse que nous semblons inéluctablement condamnés à en subir les effets paralysants : restrictions des libertés et instauration d’une société du contrôle, hausse du coût de l’énergie et des matières premières, menaces sur notre économie et sur les foyers helvétiques.
Les certitudes de l’Europe de l’Ouest vacillent ; nous avions peu à peu oublié que la promesse de stabilité de l’ère industrielle et du commerce international, dépend elle-même de la disponibilité de l’énergie ; celle-ci se raréfie et il y a là une injonction à s’inscrire dans une réflexion personnelle sur nos habitudes de vie, de consommation et de loisirs.
Pour notre part, responsables d’une entreprise née en 1964, nous n’envisageons à aucun moment de donner le pouvoir aux seules statistiques et aux prospectives.
Oui, la vie économique n’est pas un long fleuve tranquille et nous faisons face d’année en année à des circonstances imprévisibles intervenant sur nos projets, nos prévisions, nos résultats ; mais jamais elles n’atteignent notre volonté de rester maîtres d’une grande partie de notre destin. Tout événement extérieur est une incitation à la réflexion, à l’évolution, voire à l’introspection.
Nous œuvrons au rapprochement des convictions positives pouvant nous aider à agir collectivement sur l’environnement, le bien-être au travail, le sens donné à ce que nous accomplissons, la connaissance. Nous nous appuyons sur les événements extérieurs pour stimuler notre ingéniosité et notre cohésion interne, mais aussi cultiver une relation privilégiée avec nos partenaires et nos clients. La fidélité de ces derniers dépend de notre capacité à résoudre leurs défis techniques ; pour cela, nous refusons la dictature du « vite fait bien fait » et envisageons notre prestation comme un objet destiné à traverser le temps. Notre sablier est subordonné à la substance matérielle et aux heures qu’il faut pour lui donner une forme et une fonction. Et chaque heure passée nous invite à l’observation, à la déduction, à la découverte, et surtout à l’amour du métier.
Daniel et Frédéric Hofmann
Directeurs associés