Qui d’autre qu’Henry de Monfreid* aurait pu dire cela ? Probablement Julian Hofmann, né en Allemagne en 1930, fondateur de Metallover en 1964, homme libre dont le parcours entrepreneurial et la vision ont correspondu à l’esprit de son temps : débuter dans la précarité, puis réussir à la force du poignet sans prêter le flanc à des sujets sociaux aujourd’hui cruciaux, mais quelque peu superficiels pour un homme de l’après-guerre. Le jour de son départ en 1998, face au conseil d’administration, il se retira sur un laconique « Messieurs, je ne peux plus vous aider ». Frédéric et moi-même prenions le relais.
Héritiers d’un modèle de gestion patriarcale qui ne nous correspondait guère, nous avions la chance de partager une idée commune de la conduite d’entreprise ; idée qui s’est peu à peu développée, puis incarnée dans un mode d’emploi définissant Metallover comme une entité dont l’organisation et le fonctionnement sont le résultat de l’intelligence collective des collaborateurs, cette dernière étant guidée par le postulat de se réaliser, de créer et de partager. De là, notre mission s’est naturellement définie : fabriquer des ouvrages métalliques et en verre structurel de haute qualité, restaurer le patrimoine bâti genevois dans le respect des valeurs humaines et des règles de l’art, conformément aux normes techniques et environnementales.
Nous ne croyons pas en la hiérarchie de pouvoir, car ce sont les compétences professionnelles et humaines qui placent chaque collaborateur à sa juste position. Notre structure se veut en constante évolution et s’adapte aux conditions et aux circonstances du moment. Depuis 25 ans, Metallover évolue, se transforme, s’étend et se recentre ainsi. La réalité reste le grand arbitre, les idées qui fonctionnent prenant de l’ampleur et mobilisant notre énergie, les autres s’estompant d’elles-mêmes. La croissance et le profit ne sont pas nos buts ultimes, mais de simples indicateurs de notre succès collectif. Nous croyons que le profit bien compris ne peut découler que de ce qui est juste.
Demain ? Metallover est un espace de fabrication, mais aussi de création, dans un métier où l’expérience et l’ingéniosité sont encore au pouvoir. Ici, pas de glacis intergénérationnel : les anciens ont besoin de cette formidable énergie de la jeunesse, tout comme cette dernière est en quête des savoirs acquis au fil du temps. Metallover restaure et entretient un parc bâti métallique et verrier genevois dont elle recense un demi-siècle d’historiques. Elle participe à la réalisation de projets privés ou publics qui, si l’on en croit les statistiques nationales, dureront entre 70 ans et 100 ans. À ce titre, elle veut dépasser le statut de dynastie entrepreneuriale, pour poursuivre son métier au service de l’architecture historique ou contemporaine. En ce qui concerne Frédéric et moi-même, nous sommes les hommes d’un temps qui se caractérise par une logique de travail plus consensuelle, participative et inclusive. Nous entrons désormais dans un univers économique que les professionnels de tous métiers devront partager avec l’intelligence artificielle, les bouleversements technologiques de la numérisation, et les enjeux environnementaux. Une nouvelle ère sans doute, où les volontés ne seront plus liées à la croissance et au profit, mais à la préservation du biotope, et par conséquent, de l’humanité.
Daniel Hofmann
Directeur associé